S15.V9
En l’article intitulé l’Interprétation et la conservation du Coran, nous avons montré que le texte coranique avait été protégé d’altérations scripturaires, non pas du fait d’une intervention surnaturelle, mais pour deux raisons concrètes historiquement observables. Premièrement, la transmission orale du Coran durant au moins le premier siècle de l’Hégire a empêché la constitution d’une caste de scribes qui, on le sait, ont généralement les “mains libres” pour modifier le texte dont ils sont de facto les dépositaires auto-proclamés. Deuxièmement, cette oralité librement diffusée et les nombreuses oppositions politico-théologiques ont favorisé dès le deuxième siècle de l’Hégire le développement de l’interprétation concurrentielle du Coran. Chaque camp s’étant rendu compte que plutôt que de vouloir modifier le texte, il était plus efficace d’en défendre l’interprétation de son choix. Ce n’est point au final le texte coranique que l’on adapta aux besoins d’élaboration des différentes formes de religion-islam, mais le sens du texte lui-même. Si ainsi il n’y eut pas de Gardiens du Texte, se mit par contre en place la “mainmise” des Gardiens du Sens : la caste exégétique. En d’autres termes, ce n’est pas le Texte qui a été modifié, mais sa signification.
• Que dit l’Islam
Il est bien ancré dans l’imaginaire collectif des musulmans que c’est Dieu Lui-même qui a protégé le Coran de toute altération. Conséquemment, Dieu ne l’aurait pas fait pour la Bible, et nous avons discuté des problèmes que soulevait cette position, voir idem : L’Interprétation et la conservation du Coran. Quoi qu’il en soit, ce fut à l’époque de bonne guerre puisque juifs ou chrétiens affirmaient tout aussi apologétiquement que seuls leurs textes sacrés étaient inaltérés, protégés par Dieu. Pour étayer ce dogmatisme religieux au nom de Dieu, leurs exégètes ne manquaient pas d’interpréter en ce sens des versets de leurs Livres. Notamment, pour les premiers : Deutéronome 4-2 et, pour les seconds : Matthieu 5-18. Les exégètes du Coran eurent donc à cœur de repérer un verset coranique qui pourrait défendre le point de vue équivalent. Un seul verset, bien connu, a pu être interprété en faveur de cette cause, en voici La traduction standard : « En vérité c’est Nous qui avons fait descendre le Coran, et c’est Nous qui en sommes gardien. », S15.V9.[1] Ainsi traduit, c’est-à-dire conformément à l’interprétation fournie par les exégèses classiques, le sens en serait indiscutable : Dieu protège le Coran, Il en est le Gardien et le tient à l’abri de toute altération.
• Que dit le Coran
Ce verset est un parfait exemple de décontextualisation et d’interprétation sémantique. Il est effectivement toujours cité isolément alors que, comme nous allons encore une fois le vérifier, le contexte d’énonciation est pour la détermination du Sens littéral d’une importance capitale. Sur ce point essentiel de notre méthodologie cf. : L’Analyse contextuelle. Sémantiquement, l’on constate que dans la traduction donnée ci-dessus le terme adh–dhikr est traduit par « le Coran ». De plus, l’on note que le pour le complexe pronominal « la–hu » le pronom masculin singulier « hu » est rendu par l’emploi du pronom personnel « en », lequel représenterait le Coran. Mais, que ce soit en arabe ou en français, affirmer qu’en l’unique phrase constitutive de ce verset le pronom « hu/en» se rapporte syntaxiquement à adh–dhikr compris comme signifiant le Coran manque singulièrement de preuve textuelle. En effet, l’autre hypothèse immédiatement identifiable est que ce pronom pourrait bien se reporter au Prophète Muhammad, Dieu alors attesterait qu’Il protège le Prophète : « et c’est Nous qui [du Prophète] en sommes gardien. Du reste, Ar–Râzî ou Ibn Kathîr par exemple signalent ces deux possibilités, même s’ils optent d’autorité pour la première. La discussion critique portera donc sur le sens de adh–dhikr et à quoi ou qui est référé le pronom « hu ». Selon le processus de l’Analyse Littérale du Coran, la détermination du Sens littéral de ce verset et de ces deux éléments clefs impose d’en réaliser les analyses lexicales, sémantiques et contextuelles.
• Analyse contextuelle
Nous l’avons dit, ce verset est un parfait exemple de décontextualisation exégétique classique, mais il est tout autant une parfaite illustration de l’importance de l’Analyse contextuelle[2] dans le processus d’analyse littérale, nous l’envisagerons donc en premier.
– Le contexte d’énonciation de notre v9 s’inscrit dans la sourate XV, al–Ḥijr, sourate que l’on peut considérer sans trop de difficulté comme appartenant à la fin de la période mecquoise. Les tensions entre Muhammad et Quraysh sont alors à leur paroxysme, climat hostile et refus de la révélation monothéiste que cette sourate retranscrit bien. Thématiquement, cette sourate est homogène, et le contexte général du v9 correspond donc à la sourate elle-même.
– Le contexte proche correspond quant à lui à l’introduction : vs1-15. Le v1 en fixe le thème principal : la révélation du Coran : « Alif ; Lâm ; Râ’. Voici des versets du Livre/al–kitâb en une récitation/qur’ânan explicite. ». Puis, les vs2-5 rappellent à Quraysh que l’idée même qu’un homme se prétende messager de Dieu n’est en rien un phénomène nouveau et que le refus opposé à ce titre par les habitants des antiques cités ainsi prévenus s’est soldé par leur destruction. Ceci est conforme à la thématique globale de la sourate : la Révélation est un avertissement, et ce sujet sera repris et développé par les vs51-84. Puis, plus précisément, les vs6-7 relatent certains arguments de Quraysh face à la Révélation que Muhammad prétend leur transmettre de la part de Dieu : « tu n’es certes qu’un possédé ! », v6, ou « pourquoi, si tu dis vrai, n’es-tu pas venu en compagnie d’anges ? », v7. Ce à quoi par la Révélation elle-même Dieu répond en substance : « Lorsque les Anges viennent ici-bas c’est pour annoncer la destruction de ceux qui ont dénié la véracité du messager et du message divin qu’il est chargé de leur apporter » v8, réfutation sans compromis qui plaide pour la véracité de la Révélation et l’avertissement qu’elle véhicule. Le même argumentaire est ensuite repris et développé aux vs10-15. En particulier, signalons que les vs14-15 retournent l’argument de Quraysh contre eux-mêmes et montrent que leurs allégations sont fallacieuses et n’expriment que leur volonté de ne pas accepter le message monothéiste apporté par Muhammad. Les vs10-13 résument ce qui sera développé symétriquement de manière générale pour les prophètes antérieurs en la troisième partie, vs51-84. Mais, en cette introduction, c’est le Prophète Muhammad qui est directement impliqué. L’on y évoque la raillerie dont il est l’objet et le déni des opposants qurayshites.
– Le contexte d’insertion de notre v9 est donc à présent parfaitement délimité entre affirmation par Dieu de la véracité de Sa Révélation et défense divine du Prophète contre ses adversaires, opposants au message de Dieu. À partir de ce premier constat littéral, nous envisagerons à présent l’aspect lexical et sémantique.
• Analyse lexicale et analyse sémantique
Généralement, il s’agit des deux premières étapes d’analyse. La présente étude montre toutefois que parfois l’ordre des phases d’analyse peut être techniquement inversé puisque, en réalité, elles sont interdépendantes et que s’exercent des unes aux autres des boucles de rétrocontrôle. Pour une vue d’ensemble de ce processus, voir les deux schémas généraux représentant l’algorithme de notre méthodologie : Analyse Littérale du Coran.
– De ce qui précède, il ressort que le terme dhikr en notre v9 est en lien avec la Révélation. Cependant, au v6, c’est le même mot qu’emploient les Qurayshites pour désigner péjorativement ce que Muhammad prétend être une révélation : « Ils disent : Ô toi sur qui on fait descendre adh–dhikr, tu n’es certes qu’un possédé ! » Par adh–dhikr ils ne qualifient donc pas honnêtement la Révélation, ni même le Coran tel que nous l’entendons, mais ce que Muhammad répète et rapporte prétendument au nom de Dieu. Si l’on considère les significations de base de la racine dhakara et le ton sarcastique de Quraysh ainsi que la problématique générale, le sens de ce verbe est en ce cas précis : raconter quelque chose de la part de quelqu’un. En français, cela se dit rapporter, verbe qui peut avoir un sens positif ou négatif et dont le substantif est rapport. Employé péjorativement au v6 par Quraysh, l’on peut donc contextuellement rendre au plus près dhikr par racontage, d’où : « Ils disent : Ô toi sur qui on fait descendre ce racontage/adh–dhikr, tu n’es certes qu’un possédé ! », v6.
Puis, en notre v9, au segment « en vérité, c’est Nous qui révélons adh–dhikr… » c’est Dieu qui reprend ce terme de la bouche même de Quraysh et il ne peut alors avoir la même signification, car Dieu ne peut qualifier de racontage/dhikr ce qu’Il s’approprie. Or, s’il n’y a en apparence pour l’Exégèse aucune difficulté à affirmer que adh–dhikr désigne ici le Coran, rien n’est moins sûr. En effet, contrairement à ce que l’on admet conventionnellement, il n’y a pas dans le Coran de versets où le terme dhikr lorsqu’il est déterminé comme ici par l’article [adh–dhikr] désigne le Coran. Bien évidemment, pour affirmer cela nous nous basons sur une analyse littérale intratextuelle et exhaustive de l’ensemble des versets concernés. Sur ce point méthodologique important, voir Intratextualité : Exhaustivité, Non-thématicité, Cohérence, Convergence. Notre analyse montre qu’en réalité dans l’emploi coranique de adh–dhikr en notre verset c’est le sens premier de ce substantif qui est utilisé, à savoir : le rappel. Cela se comprend aisément, la révélation du Coran est un rappel des anciennes révélations et un rappel divin quant au Jugement Dernier, un rappel de Dieu adressé à l’Humanité, il est le Rappel par excellence. Rien n’indique donc que adh–dhikr désigne le Coran lui-même, il ne s’agit là que d’une synecdoque rentrée dans l’usage et nos schémas de pensée. Autrement dit, par adh–dhikr est qualifié le fond et non la forme, le contenu et non le contenant. Aussi, puisqu’il est contextuellement démontré que le thème est à la défense de la Révélation, il est cohérent que lorsque Dieu reprend en sa réponse faite à Quraysh au v9 le terme adh–dhikr, ce terme soit requalifié[3] et employé selon son sens premier coranique : le rappel, soit : « En vérité, c’est Nous qui révélons le Rappel/adh–dhikr… ».
En résumé, la première partie du v9 vise donc à innocenter le Prophète des accusations de Quraysh [tu n’es certes qu’un possédé] en affirmant que Dieu est bien le responsable de cette révélation : « En vérité, c’est Nous qui révélons le Rappel/adh–dhikr… » et que le racontage/adh–dhikr que certains qurayshites imputent à Muhammad et dont ils se moquent est en réalité le Rappel/adh–dhikr du constant message de Dieu au fil des diverses révélations dont Il a gratifié l’Humanité. Rappel que Dieu leur adresse et qu’ils devraient suivre s’ils ne veulent pas connaître le sort funeste des autres peuples avertis avant eux comme le stipulent clairement les vs4-5 et comme cela sera développé par la suite aux vs51-84.
– Le deuxième élément-clef de la compréhension du v9 relève de l’analyse sémantique. En effet, la question que nous avions posée était de savoir à qui ou quoi se référait le pronom personnel « hu/en » du complexe la-hu en la deuxième partie du v9 : « ...et c’est Nous, certes, qui en/la-hu sommes gardien ». S’agit-il du Coran ou du Prophète ? Autrement dit, s’agit-il de protéger le Coran ou de protéger le Prophète ? Pour l’Exégèse et pour l’Islam, le sens est : et c’est Nous [Dieu] qui du Coran [la-hu] sommes les gardiens. Cependant, l’on peut syntaxiquement tout aussi bien comprendre et c’est Nous [Dieu] qui du Prophète [la-hu] sommes les gardiens puisqu’autant le Coran et le Prophète sont évoqués dans l’environnement contextuel du v9. Ces deux possibilités sont donc théoriquement possibles comme par ailleurs l’avaient parfaitement observé certains exégètes musulmans. Or, nous avons vu lors de l’analyse contextuelle que le Prophète Muhammad était accusé d’être un imposteur, mais qu’il était aussi physiquement menacé par Quraysh, fait historiquement admis. Contextuellement, notre v9 se comprend donc comme une réponse à cette double situation. D’une part, affirmer que le rappel récité par Muhammad vient vraiment de Dieu : « En vérité, c’est Nous qui révélons le Rappel/adh–dhikr… » et, d’autre part, répondre à Quraysh que Dieu protège Son prophète de leurs exactions : « et c’est, certes, Nous qui [de Muhammad] en/la-hu sommes gardien ». L’ensemble des éléments que l’analyse contextuelle a mis en évidence est très nettement en faveur de cette hypothèse. Du point de vue intratextuel, nous pouvons rappeler ce verset : « Ô Messager ! Transmets ce qui t’est révélé par ton Seigneur. Advienne que point tu ne puisses le faire, qu’alors tu n’aurais pas transmis Son message/risâla, mais Dieu te protégera des gens… ».[4]
• Résolution du sens littéral
Il s’agit là de la quatrième étape de l’Analyse littérale du Coran. À ce stade, la convergence des étapes lexicales, sémantiques et contextuelles permet de déterminer le Sens Littéral. Nous avons donc démontré que adh–dhikr ne désignait pas en ce v9 le Coran, mais la nature de son message : le Rappel. En d’autres termes, adh–dhikr/le Rappel qualifie le fond et non la forme, le sens du texte et non le Texte. Conséquemment, Dieu pourrait-Il prétendre protéger le sens de la Révélation ? Dieu ne saurait-Il pas que tout texte peut être interprété ? Dieu ignorerait-Il que la créature qu’il a doté Lui-même de raison n’est herméneutiquement limitée en interprétation que par sa propre capacité imaginatrice ? Toute compréhension est une interprétation, même si nous ajoutons contre l’avis général que toute interprétation n’est pas une compréhension juste et que le Sens littéral est l’entité sémique réalisant une compréhension sans être une interprétation. Qui donc soutiendrait qu’il n’y a pas de texte que nous ne puissions interpréter, ce quand bien même le Coran se définit comme univoque et explicite ? Cf. Les cinq postulats coraniques du Sens littéral. Le Coran n’est-il pas un des textes des plus interprétés au monde ! En ces conditions, l’on ne peut supposer que Dieu aurait révélé en ce segment de verset qu’Il protégeait la signification du Rappel. Conséquemment, seule la deuxième hypothèse syntaxique fait sens : Dieu proclame à Quraysh par voie de révélation qu’Il protège Son prophète. Ainsi, il n’y a aucune possibilité coranique et logique permettant de soutenir logiquement qu’en notre v9 Dieu soutiendrait qu’Il protège le Rappel/adh–dhikr, c’est-à-dire le sens de Son message. Le Sens littéral de ce verset est donc bien le suivant : « En vérité, c’est Nous qui révélons le Rappel/adh–dhikr et, certes, c’est Nous qui [de Muhammad] en/la-hu sommes les gardiens.[5] »
Par ailleurs, et à titre rationnel complémentaire, nous ferons observer les faits suivants :
– En cette fin de période mecquoise en laquelle très vraisemblablement s’exprime ce verset, le Coran n’est pas menacé. À cette époque, le Coran n’existe pas concrètement sous forme écrite, il n’est qu’un ensemble de proclamations orales faites par le Prophète, comme du reste l’indique le premier verset de cette sourate XV : « Alif ; Lâm ; Râ’. Voici des versets du Livre/al–kitâb[6] en une récitation/qur’ânan explicite. » Pourquoi donc affirmer protéger un écrit qui n’existe pas encore ? Ceci vérifie donc que le sens de adh–dhikr est bien le Rappel.
– Par contre, tant le Coran que les faits historiques les plus avérés nous enseignent que le Prophète était réellement menacé. La stratégie d’opposition de Quraysh n’était pas d’ordre exégétique comme l’indique le fait qu’ils traitaient Muhammad de menteur, de « possédé » et, son propos, de racontage/dhikr, v6. Leur rejet de la Révélation se traduisait concrètement : s’en prendre à l’homme, que ce soit par la langue ou le sabre. À cette périlleuse situation, il est donc logique que Dieu ait répondu qu’Il protégerait son Prophète contre leurs exactions. Ceci est d’ailleurs conforté par le fait que l’Histoire nous apprend que le Prophète a survécu à ses ennemis malgré sa position de faiblesse.
Conclusion
L’Islam a surinterprété le v9 de la sourate XV afin de trouver un argument coranique capable de concurrencer les prétentions juives et chrétiennes, principalement la sacralité de leurs textes sacrés légitimée par l’intervention divine qui en aurait protégé l’intégrité. Cependant, la détermination du Sens littéral montre que le Rappel/adh–dhikr dont il s’agit dans la première partie du verset désigne le message de la part de Dieu, lequel ne vaut que par sa signification. En conséquence de quoi, l’on ne peut admettre que Dieu aurait soutenu qu’Il allait protéger le sens de Son Rappel, affirmation qui serait en soi un non-sens ! Par contre, les différents niveaux d’analyse littérale montrent qu’en ce verset Dieu déclare non pas protéger le Rappel/adh–dhikr, mais protéger son Prophète des visées hostiles de Quraysh : « certes, c’est Nous qui [de Muhammad] sommes les gardiens », ce que l’Histoire au demeurant confirme. Le sens littéral du v9 est donc bien comme suit : « En vérité, c’est Nous qui révélons le Rappel/adh–dhikr et, certes, c’est Nous qui [de Muhammad] sommes les gardiens. »
Un autre aspect de la problématique est instructif. Lorsqu’en Islam l’on prétend que Dieu a protégé le Coran de toute altération, l’on sous-entend que cela ne vaut que pour le Coran. Autrement dit, l’on stipule que la Bible, notamment, a été falsifiée au cours du temps. Seul le Coran serait ainsi le véritable propos de Dieu. Or, le Coran qualifie la Thora à trois reprises de part du Livre/naṣîb min–al–kitâb.[7] Comment donc Dieu pourrait-Il alors ne pas protéger une part de sa Révélation ?! Il y aurait-il en Ses diverses révélations du Livre archétypal [8] des parts moins dignes d’être protégées que d’autres ?! Ou bien, en négligeant une part de Son Livre, Dieu aurait-il condamné à l’avance les juifs et les chrétiens à l’égarement par altération du texte reçu ?! Le dogmatisme apologétique généré par une telle position condamne l’ouverture universaliste du Coran et fonde de manière puissante l’exclusivisme dont souffre l’Islam. Le ferment de la violence qui nous oppose est donc textuel, mais le Dieu du Coran n’est pas un Seigneur de guerre…
Dr al Ajamî
[1] S15.V9 : « إِنَّا نَحْنُ نَزَّلْنَا الذِّكْرَ وَإِنَّا لَهُ لَحَافِظُونَ »
[2] Pour rappel, le contexte d’énonciation d’un verset dépend de trois niveaux contextuels systématiquement examinés, du plus large au plus proche : le contexte général, le contexte proche, le contexte d’insertion.
[3] C’est-à-dire comme nous l’avons signalé vis-à-vis de l’emploi péjoratif que Quraysh en faisait au v6.
[4] S5.V67 :
« يَا أَيُّهَا الرَّسُولُ بَلِّغْ مَا أُنْزِلَ إِلَيْكَ مِنْ رَبِّكَ وَإِنْ لَمْ تَفْعَلْ فَمَا بَلَّغْتَ رِسَالَتَهُ وَاللَّهُ يَعْصِمُكَ مِنَ النَّاسِ إِنَّ اللَّهَ لَا يَهْدِي الْقَوْمَ الْكَافِرِينَ »
[5] Pour être au plus près d’une traduction littérale, le mot gardiens/ḥâfiẓûn doit être, comme dans le texte arabe, au pluriel. Cet accord se justifie de l’emploi en ce verset du « Nous » dit de majesté et qui, en arabe en tout cas, appelle un accord au pluriel. Le pluriel ḥâfiẓûn signifie gardiens, conservateurs, protecteurs. C’est à partir de ce champ lexical que l’Exégèse a pu parler de protection du Coran sans pour autant pouvoir préciser quel aspect Dieu en protégeait et, encore moins, selon quelles modalités.
[6] Par « Livre », il ne s’agit bien évidemment pas ici du Coran, mais du Livre archétypal demeurant « auprès de Dieu ».
[7] Cf. S3.V23 ; S4.V44 ; S4.V51.
[8] La notion même de part du Livre suppose qu’il existe un modèle de référence, un archétype qui serait la matrice de l’ensemble de toutes les révélations que Dieu en fit. C’est ce concept qui seul explique la fameuse locution coranique « Gens du Livre » puisque dans les faits ces religions ne se sont pas dépositaires du même livre. Par contre, selon le Coran, toutes ont reçu naṣîb min–al–kitâb une part du Livre archétypal/umm al–kitâb. Sur ce point voir : Abrogation selon le Coran et en Islam. Cela indique aussi que le Coran n’est lui aussi qu’une part de ce Livre. De même, ceci explique avec beaucoup de rigueur qu’il soit demandé par le Coran de croire aux précédentes révélations, non pas en leurs formes ou significations, mais parce qu’elles proviennent toutes du Livre archétypal de Dieu. Leur origine divine est commune, et leur devenir terrestre différent ne modifie pas le fait que l’on doive croire à leur origine unique et témoigner d’un profond respect envers les Écritures des religions issues de ces révélations. Là encore, l’unicité justifie la pluralité, sur ce thème, voir : Le Salut universel selon le Coran et en Islam.