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Le Retour de Jésus selon le Coran et en Islam ; S43.V61 ; S4.V159

Pour la christologie islamique, le retour de Jésus sur Terre en tant que prodrome de l’Heure, c’est-à-dire à la fin des temps, est une croyance eschatologique fortement ancrée. Or, en l’article consacré à la Crucifixion de Jésus selon le Coran, nous avions montré que les données coraniques impliquaient que ledit « retour  de Jésus » ne pouvait logiquement être envisagé. En ces conditions, si le Coran affirmait la réalité de la descente de Jésus en notre monde, il y aurait là une contradiction qui devrait d’une manière ou d’une autre être résolue. Autrement dit, si, comme nous l’avons démontré le Coran professe que Jésus est bien mort physiquement en croix et que seule sa nature spirituelle a été élevée vers Dieu, il paraît difficile qu’il puisse mentionner son retour physique à la fin des temps. Ou bien, si tel était le cas, il aurait fallu que le Coran nous précisât selon quelles modalités ce fait était malgré tout possible, attendu que ceci dépasserait ce que la raison peut appréhender. En effet,  selon le Coran lui-même, seul Dieu connaît les réalités métaphysiques cachées, al-ghayb,[1] et les hommes n’y ont accès qu’à partir des informations qui leur sont transmises par voie de Révélation.[2] Il est donc de saine et cohérente règle que nous ne validions en matière d’eschatologie que ce dont le Coran nous informe. Or,  il n’a été versé au dossier du « retour de Jésus » que deux versets  S43.V61 et S4.V159, mais pour le moins de manière aussi indirecte qu’incertaine. Si l’on ne peut admettre que le Coran se contredise, quel est donc le propos réel du Coran en ces deux versets ?

 

• Que dit l’Islam

– À notre connaissance, il y a un quasi consensus en Islam quant au retour de Jésus sur Terre à la fin des temps. Or, nous avons montré que c’est à partir d’une interprétation orientée et erronée de S4.V157-158[3] que pour la théologie musulmane Jésus n’est point mort et qu’il a été élevé auprès de Dieu physiquement, ce qui justifierait que son retour soit possible. Ceci étant, comme nous l’avons expliqué ci-dessus, une telle affirmation se devait d’être fondée sur le Coran, il a donc été essentiellement mis en cause le verset suivant dont la traduction commentée classique se présenterait ainsi :  « [Jésus] sera un signe de [l’arrivée imminente de] l’Heure. N’ayez donc aucun doute au sujet [de l’Heure] et suivez-moi, voilà un droit chemin. », S43.V61. La mise entre crochets est caractéristique des procédés d’interprétations et nous verrons que ce verset une fois débarrassé de ces surcharges exégétiques a une tout autre signification. L’on ajoute généralement, mais marginalement, le verset suivant donné ici selon la traduction standard : « Il n’y aura personne, parmi les gens du Livre, qui n’aura foi en lui avant sa mort… », S4.V159. Il faut alors comprendre que ceci se passe lors du retour de Jésus et que les juifs et les chrétiens croiront en ce Jésus musulman avant qu’il meure ou qu’ils ne soient tués. Là encore, nous verrons que l’analyse de ce verset met une compréhension différente.

– Quoi qu’il en soit, comme à l’accoutumée en cas de silence coranique, les hadîths occupent l’espace et fournissent donc présentement de nombreux détails sur le retour de Jésus. En synthèse, Jésus sera musulman et aura pour mission de briser la Croix et tuer le Porc, autrement dit d’opérer la conversion des chrétiens et l’extermination des juifs, assurant ainsi la victoire finale de l’Islam. La visée apologétique de ces hadîths est patente, bien qu’ils n’expriment pas directement une haine des juifs et des chrétiens au quotidien, les temps eschatologiques ont leur propre justification. Ils traduisent par contre l’intime conviction musulmane que seul l’Islam est la religion agréée par Dieu[4] et qu’elle finira donc par l’emporter sur toutes les autres. Du reste, les extrêmes exclusivistes se rejoignent et cette vision est partagée par les juifs à l’encontre des non-juifs et les chrétiens quant aux non-chrétiens.

– Le rejet de l’autre est donc bien la chose la mieux partagée entre les religions, notamment les monothéistes. En l’occurrence, ces trois religions ont habilement recyclé leurs attentes messianiques aux dépens les unes des autres. Pour le judaïsme, le concept politico-théologique d’un sauveur censé délivrer le peuple juif de ses oppresseurs, en hébreu mashiah/messie/Oint, s’est progressivement constitué au gré des persécutions subies. Il s’agissait d’un homme descendant de la lignée de David par lequel le judaïsme dominera sur Terre, un messianisme ethnique. Le christianisme a réinvesti plus théologiquement le principe et, pour lui, c’est Jésus qui fut le Messie, l’Oint (kristos en grec) attendu par les juifs, même s’ils ne l’ont pas reconnu. Ne s’agissant plus alors d’un simple mortel de la lignée davidique, cela nécessita que l’on conçoive son retour sur Terre depuis les cieux et c’est ce Christ de la Parousie qui sera le sauveur de l’humanité qui alors croira en lui, en quelque sorte un messianisme universaliste sélectif. Bon dernier chronologiquement, l’Islam ne pouvait que s’approprier cette croyance juive et chrétienne sauf que le Messie attendu de tous devient alors un Jésus musulman qui, bien sûr, ne sauvera que cette communauté, un messianisme communautaire donc.

 

• Que dit le Coran

1– Envisageons dans un premier temps le verset principalement mis en jeu pour prouver que le retour de Jésus est annoncé dans le Coran, en voici la traduction littérale : « Et il est, certes, une connaissance/‘ilm de l’Heure/as–sâ‘a. N’en doutez-point donc et suivez-moi, ceci est un chemin droit. », S43.V61.[5]

– Du point de vue de l’analyse lexicale, l’on constate que le terme ‘ilm est rendu dans les commentaires et la plupart des traductions par signe : « il est un signe/‘ilm de l’Heure ». Or, il est lexicalement certain que le substantif ‘ilm ne signifie pas signe, mais connaissance, savoir,[6] et il est de plus parfaitement établi que le mot signe au sens d’indication, manifestation, indice, preuve, se dit communément dans le Coran âya. Il y a donc d’emblée un décalage entre la lettre du verset et son interprétation-traduction. En réalité, et en opposition avec le texte coranique, ce que l’Exégèse suit ici sans l’indiquer est une variante de récitation où le rasm/corps consonantique علم est vocalisé ‘alam au lieu de ‘ilm. Comme souvent, l’existence de deux prononciations pour un même support consonantique n’est pas neutre, voir variantes de récitation ou qirâ’ât. Ici, prononcer ‘alam permet donc de modifier le champ lexical en faveur de l’interprétation dominante puisque ‘alam a effectivement pour significations signe, marque, drapeau, limite, bord. L’on note cependant que malgré la pression exégétique cette variante de récitation a été classée marginale/shâdh, c’est-à-dire non canonique. Ce constat explique aussi que nombre d’exégètes n’ont pas validé de ce fait l’interprétation dominante voyant ici Jésus en tant que signe/‘ilm de l’Heure. De même, il ne nous est pas possible à ce stade de l’analyse de valider cette classique hypothèse de sens. Littéralement donc, il convient de traduire notre segment par « il est, certes, une connaissance/‘ilm ».

– Du  point de vue de l’analyse sémantique, l’observation principale est l’absence de sujet nommé pour le syntagme « il est, certes/inna-hu une connaissance », le sujet étant apparemment représenté uniquement par un pronom sans antécédent immédiat. Aussi, plusieurs cas théoriques doivent-ils être envisagés pour déterminer avec rigueur le sujet grammatical :

a- Jésus. Le nom de Jésus n’est pas explicitement mentionné en notre verset et il serait donc d’après l’Exégèse seulement représenté par le pronom « hu/lui/il » : « il/Jésus est une connaissance ». Que ce pronom représente Jésus en tant que sujet serait théoriquement possible puisque Jésus est mentionné à partir du v57, la lecture alors proposée est la suivante : « Il/hu [Jésus] est, certes un signe/‘ilm de l’Heure ». Dans l’esprit des commentateurs, il nous faudrait alors comprendre qu’il est dit là que « Jésus [lorsqu’il redescendra sur Terre] sera[7] un signe [de l’arrivée imminente] de l’Heure. »Tout d’abord, si l’on examine la mention de Jésus l’on constate qu’il est fait référence à sa mission première : « Nous l’avions donné en exemple au Fils d’Israël », v59, et cette situation est reprise au v63. Puisqu’il s’agit de Jésus du temps de son apostolat terrestre, il serait au mieux dit en notre verset que lors de sa mission prophétique Jésus pouvait être considéré comme annonçant l’Heure, ce qui n’est visiblement pas l’objectif de l’Exégèse qui se trouve donc dans l’obligation de forcer le sens de sa propre interprétation. D’autre part, et c’est le point essentiel, nous avons rappelé que le mot ‘ilm  ne pouvait signifier « signe », mais seulement connaissance, savoir. Si donc le pronom « hu » représentait ici Jésus, alors la phrase « Il [Jésus] est une connaissance/‘ilm de l’Heure » est une proposition qui n’a en réalité aucun sens cohérent et qui, de toute manière, reste sans rapport avec l’hypothétique retour de Jésus. Comme nous l’avons signalé précédemment, ceci explique que les partisans du retour eschatologique de Jésus aient voulu imposer la variante ‘alam/signe, ce au détriment de la lettre coranique, deuxième et principale manipulation textuelle mise en place par l’Exégèse pour imposer sa volonté aux dépens du Coran. Ainsi, quel que soit le cas de figure, il n’est pas possible de valider que Jésus serait le sujet de notre v61. Or, du point de vue sémantique trois autres sujets pourraient théoriquement être représentés par le pronom « hu » : Dieu, Muhammad, le Coran, tous trois au centre du propos de cette sourate et tous trois présents dans le contexte immédiat. Il existe de fait une dernière possibilité s’appuyant sur un usage pronominal rhétorique :

b- Pronom de notion. À l’opposé de la personnification pronominale représentée par Jésus, dans le syntagme initial inna-hu le pronom hu/lui/il peut ne pas représenter un sujet, mais l’annoncer. Il s’agit d’un procédé rhétorique dit ḍamîr sha’n/pronom de notion par lequel le pronom a fonction pléonastique et représente l’ensemble de la proposition qui va suivre alors considérée comme étant sujet. Nous pourrions alors traduire par : « Il y a, certes, une connaissance de l’Heure… » Cependant, si l’on retenait ce procédé, le verset serait alors totalement décontextualisé et sans lien ni avec ce qui le précède immédiatement ni ne lui succède, ce qui n’est guère admissible.

 c- Dieu. S’il s’agissait de Dieu, nous lirions « Il [Dieu] est une connaissance de l’Heure ». Dire que « Dieu est une connaissance de l’Heure » n’a aucun sens ou est linguistiquement incorrect si l’on considère que cela signifierait que Dieu a connaissance de l’Heure.

d- Muhammad. S’il s’agissait de Muhammad, nous lirions « Il [Muhammad] est une connaissance de l’Heure », ce qui pourrait plus ou moins faire sens puisque par la transmission du Coran il informe ici Quraysh de cet Évènement. Cependant, après avoir dit « n’en doutez point » il est ajouté « suivez-moi » et jamais dans le Coran Dieu ne dit « suivez-Moi », formulation théologiquement impensable. Si donc c’est Muhammad qui ici demande à ce qu’on le suive, il ne pouvait par contre être sémantiquement représenté de manière pronominale au début de la phrase, car c’eût été le non-sens suivant :  « Muhammad est une connaissance de l’Heure, n’en doutez point donc et suivez-moi ».

e- Le Coran. Du point de vue de l’analyse contextuelle, le Coran est au cœur de la thématique de cette sourate : le rejet par Quraysh de la Révélation faite à Muhammad. Le Coran sous divers aspects est explicitement mentionné aux vs2-3 ; 21 ; 31 ; 36 ; 43-44. En ce cas, nous lirons donc « Il [le Coran] est une connaissance de l’Heure », ce qui se comprend sans difficulté comme signifiant que le Coran délivre un enseignement quant à l’Heure, ce qui est indéniable. Par suite, « n’en doutez point » signifie ne doutez pas de l’Heure, car le Coran que je vous transmets est véridique et  « suivez-moi », moi Muhammad en tant que messager de Dieu, et « ceci est un chemin droit ». D’où notre traduction « Et il est, certes, une connaissance de l’Heure. N’en doutez-point donc et suivez-moi, ceci est un chemin droit » dont le sens littéral est : « Et il [le Coran] est, certes, une connaissance de l’Heure [par l’enseignement qu’il délivre à ce sujet]. N’en doutez-point donc et suivez-moi [Muhammad en tant que messager de Dieu et transmetteur du Coran], ceci [le fait de suivre la Révélation divine] est un chemin droit ». Du reste, cette compréhension est aussi celle qui a été attribuée à des autorités exégètes anciennes telles : al–Ḥasan, Qatâda et Sa‘ïd ibn Jabîr. Notre verset est donc sans aucun lien avec le retour de Jésus sur Terre, mais il qualifie en réalité le Coran sous un de ses aspects fondamentaux : délivrer des informations d’ordre eschatologique et, le cas présent, quant à l’ Heure.

2– Envisageons à présent le deuxième verset que l’Exégèse présente régulièrement comme un argument plus ou moins direct du retour de Jésus, le voici selon la traduction standard : « Il n’y aura personne, parmi les gens du Livre, qui n’aura pas foi en lui avant sa mort. Et au Jour de la Résurrection, il sera témoin contre eux. », S4.V159.[8]  Le moins que l’on puisse dire est que cette formulation est ambiguë, ce qui explique que cette même traduction ajoute en note le commentaire suivant au sujet du segment « qui n’aura pas foi en lui avant sa mort » : « il existe deux interprétations. La première affirmant qu’il s’agit de la mort de Jésus et la seconde estimant qu’il s’agit de la mort d’un partisan des gens du Livre. » S’il s’agissait de « la mort d’un partisan des gens du Livre », cette hypothèse serait un non-sens puisque les chrétiens, qui sont ici les Gens du Livre rappelons-le,[9] croient par définition en Jésus ! S’il était fait allusion au retour de Jésus, conformément au Hadîth, cela signifierait que les chrétiens et les juifs, soit se convertiront à ce moment-là à l’Islam, alors pris pour religion de Jésus, soit seront exterminés.[10] Le segment « avant sa mort » peut aussi selon cette interprétation signifier la mort de Jésus après qu’il eut pacifié et islamisé la Terre entière, c’est-à-dire à la fin de sa mission eschatologique avant que l’Heure ne surgisse en tant que prodrome de la Fin du Monde et du Jour de la Résurrection faisant suite. Cependant, nous avons montré en l’article consacré à la Crucifixion de Jésus que selon le Coran Jésus est mort lors de ce supplice sur Terre et que seul son “Esprit” a été élevé vers Dieu. Or, il ne pourrait y avoir de retour de Jésus que s’il avait été élevé corps et esprit vers Dieu, ce qu’effectivement les chrétiens, mais aussi les musulmans, croient, mais que le Coran infirme. Il ne peut donc pas être ici question  du retour de Jésus et, encore moins, de sa mort. Le segment « avant sa mort  » se réfère donc à la mort terrestre de Jésus et, de plus, le segment final « et au Jour de la Résurrection, il sera témoin contre eux » écarte définitivement les interprétations traditionnelles ci-dessus, car puisque Jésus témoignera contre les Gens du Livre seulement au Jour de la Résurrection, c’est donc qu’il n’aura pas été envoyé « contre eux » antérieurement.

– Une fois écarté ces ambiguïsations générées par l’Exégèse musulmane, mais aussi par l’islamologie, il est possible d’envisager la traduction littérale de ce verset : « Mais il n’y a pas eu/in aucun des Gens du Livre qui ait/illâ cru en lui avant sa mort et, au Jour de la Résurrection, il sera contre eux témoin ! », S4.V159. Ce qui rendit possible les déviations de sens proposées classiquement en ce verset est l’emploi coranique d’un archaïsme grammatical, fréquent dans le Coran, mais qui n’avait déjà plus cours à l’époque des premiers exégètes. En effet, en ce cas la préposition « in » indique une négation dans le premier membre de la phrase dont le second est introduit par la préposition « illâ » qui alors n’a pas de valeur exceptive, alors que dans l’arabe post-coranique « in » exprime l’hypothétique et « illâ » l’exceptive. Ainsi, puisque nous avons montré que cette précédente structure grammaticale soutenue classiquement ne fait pas réellement sens, devons-nous l’entendre comme suit : « wa/mais in/il n’y a pas eu [c.-à-d. négation d’un verbe d’état] min/aucun des ahli–l–kitâb/Gens du Livre illâ/qui ait yu’minanna/cru bi-hi/en lui qabla mawti-hi/avant sa mort… »

À la lumière du sens littéral des vs157-158 ayant opéré une remise à plat quant à la mort de Jésus sans ressuscitation et sans ascension physique,[11] ce verset se comprend donc différemment : il y est fait observer en conclusion que toutes les spéculations théologiques des diverses époques de formation du christianisme : « ils n’ont de lui d’autre connaissance qu’une suite de conjectures »,v157,  sont postérieures à la mort de Jésus et qu’en réalité « aucun des Gens du Livre », ici les chrétiens uniquement, n’avaient bien évidemment pas « cru bi-hi/en lui avant sa mort », c’est-à-dire la mort de Jésus.[12] Ce procédé rhétorique, déjà utilisé par le Coran à propos de disputes théologiques juives et chrétiennes,[13] revient à souligner et à rejeter de manière radicale l’inutile teneur hautement spéculative de la théologie christique chrétienne. Autrement formulé, puisque vous chrétiens qui présentement disputez en la matière contre Muhammad[14] êtes issus d’un mouvement largement postérieur à la mort de Jésus, comment voulez-vous donc prétendre face à la réactualisation de la vérité révélée en ce Coran que vous sachiez à partir de spéculations multiples ce qui s’est réellement passé. De fait, vous ne croyez qu’aux conjectures des théologiens et donc aux mystères dogmatiques de votre religion, mais cela ne correspond pas au véritable sens de la mission de Jésus et de son message avant qu’il ne meure dans l’incompréhension générale, et c’est quant à ces déviations théologiques que Jésus sera  « contre eux témoin ! »

 

• Conclusion

L’analyse littérale des deux versets censés prouver par le Coran que nous devions croire au retour de Jésus à la fin des temps a montré qu’ils sont clairement surinterprétés. De plus, sur un sujet relevant de l’eschatologie, c’est-à-dire de données qui ne peuvent être connues que par voie de révélation divine selon les principes mêmes de l’Islam, l’on ne peut que constater que nos deux versets ne diraient rien d’explicite sur le retour de Jésus. Or, qu’il s’agisse d’informations relatives au Monde Inapparent, al–ghayb, ou de lois, il est nécessaire que les versets mis en référence soient explicites quant bien même aborderaient-ils ces thèmes de manière allégorique. Il n’y a donc aucun argument coranique imposant à un musulman de croire au « Retour de Jésus ». Cette croyance ne repose en réalité que sur le Hadîth dont nous avons montré qu’il n’a imaginé le « retour de Jésus » qu’en une perspective concurrentielle apologétique interreligieuse, recyclant ainsi à son compte et à son propre avantage les projections messianiques du judaïsme et du christianisme.

Nous avons montré en la Crucifixion de Jésus que, selon le Coran, Jésus fils de Marie est mort sur la croix non pas des suites de ce supplice, mais uniquement de par l’intervention de Dieu, car l’enveloppe charnelle de Jésus étant par définition de nature surnaturelle elle ne pouvait connaître une mort naturelle. Par contre, sa composante spirituelle a, elle, été élevée vers Dieu. En ces conditions, il en est malgré tout de Jésus comme de tous les prophètes, ils meurent ici-bas sans retour possible à l’instar de tout mortel et ne laissent en héritage que leur Message. La théologie est par essence une matière hautement spéculative et le Coran dénonce cette mainmise à maintes reprises rappelant que la foi en Dieu ne passe pas par l’intellectualisation et/ou la normalisation socio-juridique des docteurs de la Loi, mais par une relation à Dieu de nature spirituelle et éthique.

Dr al Ajamî

[1] Cf. S6.V50 : S6.V59.

[2] Cf. S72.V26-27.

[3] Cf. La Crucifixion de Jésus selon le Coran.

[4] Le verset de référence est célébrissime, en substance : « la religion est pour Dieu l’Islam », S3.V19. Nous avons montré que cette lecture exclusiviste est parfaitement surinterprétée, voir : Le terme islâm selon le Coran : l’Islam-relation.

[5] S43.V61 : « وَإِنَّهُ لَعِلْمٌ لِلسَّاعَةِ فَلَا تَمْتَرُنَّ بِهَا وَاتَّبِعُونِ هَذَا صِرَاطٌ مُسْتَقِيمٌ »

[6] Nous rappelons que le terme ‘ilm  ne prendra le sens de science que bien après le moment coranique. De même, en la majorité des langues occidentales où le terme science n’est usité qu’à partir de la Renaissance pour marquer la rupture épistémologique entre connaissance et science. En arabe, la confusion terminologique entre connaissance et science perdure de manière très dommageable puisque nous n’utilisons qu’un seul et même terme : ‘ilm.

[7] Signalons que la traduction standard a effectivement glissé ici un futur : « Il sera un signe au sujet de l’Heure » alors même que la phrase est nominale, mais cette manœuvre lui est indispensable pour rendre cohérente l’interprétation défendue : le retour  à venir de Jésus.

[8] S4.V159 : « وَإِنْ مِنْ أَهْلِ الْكِتَابِ إِلَّا لَيُؤْمِنَنَّ بِهِ قَبْلَ مَوْتِهِ وَيَوْمَ الْقِيَامَةِ يَكُونُ عَلَيْهِمْ شَهِيدًا »

[9] Voir : La Crucifixion de Jésus selon le Coran et en Islam.

[10] Cf. • Que dit l’Islam.

[11] Cf. La Crucifixion de Jésus selon le Coran et en Islam.

[12] Ceci maintient donc une exception concernant la foi en Jésus des juifs qui crurent en lui de son vivant et que l’historico-critique actuelle dénomme avec beaucoup de prudentes incertitudes les nazôréens.

[13] S3.V66-67 : « Voilà ce que vous êtes : vous disputiez de ce dont vous aviez pourtant connaissance, alors pourquoi controversez-vous de plus au sujet de ce dont vous n’avez nulle science ? Abraham ne s’était ni judaïsé ni christianisé ! Mais il fut exclusivement abandonné à Dieu et ne fut point des polythéistes. »

[14] Nous avons contextuellement mis en évidence au v157 une controverse théologique à l’encontre de Muhammad mêlant rabbins et doctes chrétiens médinois, cf. analyse contextuelle en La Crucifixion de Jésus selon le Coran et en Islam.