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Devrions-nous nous étonner que l’Islam soit sexiste, phallocrate et misogyne, les preuves sont légion, légions mêmes qui mènent la guerre contre la raison et contre la foi. Si le Coran soutenait ces thèses, soit Dieu serait sous le coup de ces indéfendables attributs, soit le texte coranique serait de mains d’hommes, en l’occurrence des mâles. Or, en matière de compréhension du Coran nous lisons le Texte avec les yeux de l’Islam. Le cercle herméneutique est ainsi parfait : le Coran dit ce que Dieu a dit, donc ce que l’Homme dit du texte coranique Dieu l’a dit. Voici un exemple de ces circularités qui loin de libérer l’âme et l’esprit nous bâillonnent et nous aveuglent : « Vos épouses sont pour vous un champ de labour ; allez à votre champ comme [et quand, sic] vous le voulez et œuvrez pour vous-mêmes à l’avance. Craignez Allah et sachez que vous le rencontrerez. Et fais gracieuse annonce aux croyants ! », S2.V223. Ce verset vous est offert par la traduction standard[1] laquelle ne traduit pas le texte coranique, mais une exégèse standardisée, fossilisée devrions-nous dire tant mille ans de poussière enterrent tout espoir de renaissance.

Quoi qu’il en soit, rien n’interdit à l’honnête homme de s’interroger sur le Texte qui est le ferment de sa vie. De fait, le présent article est extrait du Volume 2 de notre Exégèse Littérale du Coran : https://www.alajami.fr/ouvrages/. Nous vous invitons donc à réfléchir sur la signification littérale de ce verset, non pas en jouant sur les mots et avec les mots, nos prédécesseurs exégètes l’on fait pour nous, mais en retournant à une lecture directe littérale du texte coranique. À titre de comparaison initiale, voici la traduction littérale de ce verset telle que donnée en notre Traduction Littérale du Coran : https://www.alajami.fr/produit/le-coran-le-message-a-lorigine/

Sourate 2, verset 223 : « Vos femmes sont une richesse pour vous, ainsi allez à elles comme vous le désirez, mais présentez-vous auparavant à vous-mêmes ; craignez révérenciellement Dieu, sachez que vous Le rencontrerez, et avertis les croyants. »

نِسَاؤُكُمْ حَرْثٌ لَكُمْ فَأْتُوا حَرْثَكُمْ أَنَّى شِئْتُمْ وَقَدِّمُوا لأَنفُسِكُمْ وَاتَّقُوا اللَّهَ وَاعْلَمُوا أَنَّكُمْ مُلاقُوهُ وَبَشِّرْ الْمُؤْمِنِينَ (223)

En retenant pour le terme ḥarth la signification de champ de labour, l’Exégèse a poursuivi un double objectif : inscrire dans le Texte une conception sexiste fondant le droit de jouissance de l’homme sur la femme, la femme étant alors dépossédée de son propre corps, et soutenir que le but des rapports sexuels est la reproduction, le labour ayant pour but l’ensemencement. Ces deux opinions ont été empruntées tant au judaïsme qu’au christianisme. Néanmoins, du point de vue de la cohérence coranique, l’on ne peut admettre que le Coran pourrait affirmer ici que la femme ne serait rien d’autre qu’un terrain que l’homme pourrait labourer à sa guise alors qu’il propose une conception de la sexualité équilibrée et réciproque comme nous l’avons par exemple explicité au v187 : « elles sont votre vêtement et vous êtes le leur». Pareillement, le Coran définit le couple comme étant basé sur un « doux amour/mawadda » et de la « bienveillance/raḥma », S30.V21. C’est donc logiquement que le Coran utilise toujours des formules euphémistiques pour désigner les rapports sexuels alors que l’image suscitée selon la compréhension exégétique du segment atū ḥartha-kum par labourez votre champ est d’une grande impudeur, voire indécence. Par ailleurs, du point de vue étymologique et lexical, le mot-clef ḥarth recouvre deux notions corrélées bien connues : une terre labourée et ensemencée, d’où métaphoriquement les biens comme nous l’avons constaté au v205 : « dévastant les biens/ḥarth ». Si en effet le terme ḥarth désigne au sens concret un labour, le Coran l’emploie au figuré au sens de biens ou « richesse » comme en témoigne indiscutablement le verset suivant : « Qui désire la richesse/ḥarth de l’Autre-Monde, Nous l’accroissons en sa richesse/ḥarth, mais qui ne désire que la richesse/ḥarth de l’Ici-bas, Nous lui en donnons, et en l’Autre-Monde il n’aura aucune part. », S42.V20. L’on conçoit aisément qu’il ne puisse être fait allusion au “labour/ḥarth de l’Autre-Monde” à moins de supposer qu’il s’agit là du Paradis des laboureurs ! Ceci n’a en rien empêché la traduction standard de mettre ses bœufs dans le sillon : « Quiconque désire labourer [le champ] de la vie future, Nous augmenterons pour lui son labour. Quiconque désire labourer [le champ] de la présente vie, Nous lui en accorderons de [ses jouissances] ; mais il n’aura pas de part dans l’au-delà. », S42.V20. 

– Ceci étant, le segment « comme vous le désirez/annā shi’tum » permet d’éliminer l’idée assimilant les rapports sexuels à un acte seulement destiné à la reproduction et ainsi donc les notions de champ, labour, ensemencement, ceci tout en plaçant malgré tout l’image voulue sur le plan sexuel. De plus, l’invitation à fréquenter les femmes est modulée par le conseil suivant : « mais présentez-vous auparavant à vous-mêmes/qaddimū li-anfusi-kum », hommes et femmes. Cette indication précieuse témoigne de la douceur et du respect mutuel nécessaire lors desdits rapports alors en parfaite conformité avec la vision coranique du couple mentionnée ci-dessus. Ce constat littéral indique que par ḥarth il faille aussi retenir métaphoriquement la notion de biens/ḥarth que le français restitue mieux par le singulier « richesse », d’où notre « vos femmes sont une richesse/ḥarth pour vous/la-kum ». Contextuellement, le terme richesse n’est donc pas à prendre au concret mais au figuré. Conformément à l’esprit coranique, cela s’entend comme signifiant que les femmes sont une grâce pour les hommes au sens premier du terme grâce : don accordé sans qu’il soit dû. Précisons qu’au lieu de « venez à votre richesse/ḥarth comme vous le désirez », pour des raisons de clarté nous avons rendu la répétition du terme « richesse » désignant les femmes par « elles », le pronom personnel féminin pluriel correspondant : « allez à elles comme vous le désirez ». Étant donné l’indication fournie par le complément « mais présentez-vous auparavant à vous-mêmes », cette approche euphémique coranique est positive et bienveillante. Elle indique que la sexualité est une chose naturelle qui doit être vécue au sein du couple de manière correcte, réciproque et librement consentie sans que n’interfèrent les croyances normatives sociales ou religieuses.[2] Ainsi, doit-on comprendre, nous l’avons précisé au verset précédent, que le Coran ne se mêle pas des pratiques sexuelles, mais de l’éthique en la matière. Ceci justifie que ce verset abordant délicatement et sous un angle éthique de douceur et de partage un sujet intime se conclue par un appel à la foi comme modulateur des appétits : « craignez révérenciellement Dieu, sachez que vous Le rencontrerez, et avertis les croyants ».

– L’analyse littérale[3] aura montré que l’ensemble des spéculations et développements propres à l’Islam opère au détriment de l’explicicité du texte coranique.

Dr al Ajamî


[1] Par traduction standard nous entendons la traduction du Coran massivement distribuée par l’Arabie wahhabite et dont le contenu est totalement asservi à la conception wahhabo-salafiste de l’Islam. Voir aussi notre article sur ce sujet : https://www.alajami.fr/2018/01/21/traduction-standard-du-coran/. Rappelons que cette traduction est régulièrement et mensongèrement qualifiée de traduction du Professeur Hamidullah afin de lui donner trompeusement un vernis d’autorité. Indiquons aussi que peu ou prou toutes les traductions actuelles du Coran sont fidèles à cette ligne interprétative sous peine de se voir disqualifiées. À ce sujet, voir notre vidéo : https://www.alajami.fr/2024/11/22/traduction-litterale-du-coran-par-le-dr-al-ajami/

 

[2] Sur ce point, voir S30.V21.

[3] Concernant notre méthodologie d’Analyse littérale, cf. :  https://www.alajami.fr/2018/01/20/analyse-litterale-du-coran/#:~:text=Au%20total%2C%20la%20d%C3%A9finition%20compl%C3%A8te,sein%20du%20corpus%20clos%20coranique%20%C2%BB.