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2– Adam et le langage selon le Coran et en Islam

Au premier des quatre articles de cette série consacrée à l’étude du mythe d’Adam et Ève, nous avons constaté que le Coran avait profondément déconstruit la mythologie biblique, voir : 1– Adam et l’Homme selon le Coran et en Islam ; S2.V30. Selon le contre-récit biblique proposé par le Coran, il n’y a donc pas de lien direct entre la création d’Adam et celle de l’Homme : Adam n’est pas le premier Homme et, conséquemment, les hommes ne sont pas les descendants du couple Adam et Ève. Ce postulat coranique initial bouleverse la conception de l’histoire de nos origines. Au mythe anthropomorphique de l’homme adamique imposé par la Bible, lui-même enraciné en des mythologies mésopotamiennes bien antérieures, le Coran oppose une approche radicalement différente établissant Adam en tant qu’archétype de l’Homme. Ainsi, l’Homme coranique est-il sur Terre le « Représentant/khalîfa » d’Adam, S2.V30, et non pas le Représentant de Dieu, un homme non plus à l’image de Dieu, mais à celle d’Adam. Ce changement de paradigme implique qu’Adam n’est pas une créature terrestre mais céleste, existant en un plan supérieur dit almala’ al–a‘lâ : l’Assemblée sublime ou Plérome. Explicitant alors la fonction archétypale de l’entité Adam/Elle, le récit coranique que nous allons analyser met en avant l’acquisition par cette entité double des trois caractéristiques distinguant ontologiquement l’Homme :  langage, pensée, conscience. C’est donc en tant que « Représentant/khalîfa » de l’archétype Adam/Elle que la singularité ontologique de l’Homme doit être comprise. Présentement, nous envisagerons l’acquisition du langage par Adam en tant qu’archétype de son « Représentant » générique : l’Homme.

 

• Que dit l’Islam

Le verset référent est ainsi donné par la traduction standard  : « Et Il apprit à Adam tous les noms (de toutes choses), puis, Il les présenta au Anges et dit : Informez-Moi des noms de ceux-là, si vous êtes véridiques ! (dans votre prétention que vous êtes plus méritants qu’Adam). », S2.V31. Le commentaire mis par cette traduction entre parenthèses dans le texte coranique est destiné à donner le sens voulu par l’Exégèse. En effet, celle-ci, au v30[1], avait affirmé en sa copie du Talmud qu’Adam était le premier homme et elle a donc interprété ce passage coranique comme indiquant que la suprématie d’Adam et, conséquemment, des hommes, reposait sur son aptitude au langage, les Anges étant incapables de nommer eux-mêmes ce qu’ils voyaient : « Informez-Moi donc des noms de ceux-ci, si vous êtes dans le vrai. – Ils dirent : Gloire à Toi ! Nous n’avons d’autre savoir que ce Tu nous as enseigné ! Tu es, certes, le parfaitement Savant, l’infiniment Sage. », v31.32. En réalité, il s’agit là d’un détournement exégétique dont l’Islam a le secret puisque dans le christianisme seul l’homme ayant connu la rédemption par le Christ devient supérieur aux Anges,[2] prétention apologétique que l’Islam ne pouvait accepter et qu’elle a détournée à son profit en faisant de l’Homme un être supérieur par essence aux Anges, tout en rejetant au passage le concept de « péché originel ». En cela, il était encore une fois avantageux de réintégrer le propos biblique sur le compte du Coran, tel fut le sort de la locution : « Il enseigna à Adam tous les noms », v30, qui fut interprétée comme signifiant : « Dieu enseigna à Adam les noms de toutes choses ». Cette lecture est si prégnante chez les commentateurs qu’elle apparaît in texto en bien des traductions tout comme ici en la traduction standard. De fait, nous pouvons lire en la Génèse qu’à cet instant Adam est déjà installé au « jardin terrestre » et mis en garde contre le fait de manger tel arbre. Dieu alors le convoqua « pour voir comment il les appellerait afin que tout être vivant portât le nom que l’homme [Adam] lui donnerait. »[3] Afin de renforcer cette interprétation dépassant la lettre du texte et, comme nous le verrons, le déroulement chronologique de la séquence, l’on fit ici intervenir un hadîth pour parvenir à la rectification de sens souhaitée. Ainsi, selon Anas, le Prophète aurait dit : « L’on réunira les croyants au Jour de la Résurrection et ils diront : Si nous recherchions un intercesseur auprès de Dieu ? Ils iront alors trouver Adam et lui diront : Tu es le Père des hommes, Dieu t’a créé de Ses mains, et il a ordonné à Ses Anges de se prosterner devant toi, et il t’a enseigné les noms de toutes choses [asmâ’ kulli shay’in] intercède donc pour nous auprès de ton Seigneur afin que Dieu nous délivre de notre situation. » Le fait que ce hadîth soit rapporté par al Bukhârî, Muslim et d’autres, ne modifie en rien la critique littérale de ce texte. Modèle du genre, il défend quatre affirmations exégétiques que le Coran ne soutient pas : l’intercession, la présence d’Adam au Jour du Jugement, le fait qu’Adam soit le père de l’humanité, le fait que Dieu ait enseigné à Adam le nom de toutes choses. Enfin, si Adam apprit une langue, il fallut bien que les exégètes de la Bible et du Coran identifiassent quelle était cette langue primordiale. Sans surprise, pour le judaïsme Adam parlait hébreu, pour les chrétiens l’araméen ou le latin et, pour les musulmans : l’arabe !

 

• Que dit le Coran

Rappelons en premier lieu la traduction littérale des versets concernés : «  Et Il enseigna à Adam tous les noms. Puis, Il les présenta aux Anges et dit alors : « Informez-Moi donc des noms de ceux-ci, si vous êtes dans le vrai. » [31] Ils répondirent : « Gloire à Toi ! Nous n’avons d’autre savoir que ce Tu nous as enseigné ! Tu es, certes, le Savant, le Sage. » [32] Il dit : « Ô Adam ! Informe-les de leurs noms. » Et lorsqu’il leur eut fait part de leurs noms, Il dit : « Ne vous avais-je point dit que Je connais ce qui est caché en les cieux et la Terre ? Je sais ce que vous manifestez et ce que vous dissimuliez. »[4]

– En réponse aux réserves émises par les Anges concernant l’Homme en tant que khalîfa/Représentant, soit en substance : « vas-tu mettre sur Terre ce Représentant [l’Homme] qui va y semer la corruption et faire couler le sang », v30, le Coran de manière remarquable ne défend pas l’Homme, mais « Adam ». De cette simple observation sémantique, l’on pourrait déduire qu’Adam est l’Archétype de l’Homme. Comme confirmation indirecte de ce statut archétypal, nous noterons de plus que dans le Coran « Adam » [5] sera uniquement employé en tant que nom propre, que jamais il ne sera nommé « l’homme »[6] et que cette scène ne se passe pas au « Paradis terrestre » mais, apparemment, au Plérôme, contrairement à ce que la Bible décrit. Ainsi, il ne sera donné aucune précision quant à la “nature” de « Adam », alors qu’il est immédiatement énoncé à son sujet : « Et Il enseigna à Adam tous les noms », proposition aussi singulière que centrale. Il n’est pas précisé de quels « noms » il s’agit ou, à l’instar de la Bible, les noms de quelles créatures.[7] Cette absence de nommés est ici cohérente, puisque dans le cas contraire il aurait fallu que Dieu présentât à Adam toutes les choses possibles. Or, celles-ci sont en réalité en nombre infini, et dire que Dieu « enseigna à Adam » une infinité de termes n’a logiquement aucun sens. Aussi, lorsque malgré tout l’Exégèse fait dire au Coran que Dieu a enseigné à Adam « les noms de toutes choses », elle conçoit le langage comme un objet fini relevant de la seule connaissance, laquelle proviendrait uniquement de Dieu en tant que cause première, idée néo-platonicienne. Par contre, en usant de la locution al–asmâ’ kulla-hâ, le Coran ne dit pas que Dieu enseigna à Adam « les noms de toutes choses » mais  « tous les noms », ce qui correspond bien à la capacité théorique du langage à formuler un ensemble potentiellement infini : « tous les noms ». En ces conditions, la seule compréhension rationnelle de l’énoncé coranique : « Il enseigna à Adam tous les noms » est de supposer que nous est de la sorte indiqué l’unique possibilité de nommer une infinité de choses, à savoir : l’aptitude conceptuelle propre au langage humain. Par ailleurs, selon la trame du récit coranique, cette capacitation ontologique ne fait sens que si Adam est l’Archétype de l’Homme, elle caractérise l’être humain non pas en tant que descendant de Adam, mais en tant que « Représentant » de ce dernier. Il est donc fait là mention de la première des trois caractéristiques ontologiques à l’Homme qui sont envisagées en ce chapitre déconstructif coranique : le langage, la raison, la conscience de soi. Or, nous l’avons souligné, si cette acquisition de compétences concerne Adam, elle est la réponse de Dieu à la critique portée par les Anges à l’encontre de l’Homme. Sous cet aspect, Adam apparaît bien être l’Archétype[8] de l’Homme, lequel, subséquemment, sera le « Représentant » ontologique de Adam, c’est-à-dire l’unique être vivant nanti des spécificités archétypales adamiques, ici le langage. Il n’y a donc pas selon la revisite critique de cet antique fonds légendaire opérée par le Coran, une langue unique que Dieu aurait enseignée à Adam et qu’auraient parlé par suite tous les hommes. Pas de langue première, mais seulement l’évocation de la capacité langagière spécifique à l’Homme lui permettant de générer autant de langues que nécessaire.

– La suite du propos : « Puis, Il les présenta/‘araḍa-hum aux Anges » confirme notre analyse quant à la nature exacte de ce que Dieu a conféré à Adam. En effet, s’il s’était agi de dire précédemment « Il enseigna à Adam le nom de toutes les choses », le texte aurait dû avoir recours au pronom « hâ » marque en ce cas du pluriel collectif d’objets inanimés, soit : ‘araḍa-hâ [litt. Il les présenta elles]. Or, en ce verset, et quelques soient les variantes, nous lisons : ‘araḍa-hum [litt. Il les présenta eux] sachant que le pronom « hum » est la marque du pluriel des êtres. Ce subtil glissement pronominal indique que l’acquis d’Adam dépasse le simple cadre d’un apprentissage formel qui lui aurait permis la reconnaissance de toutes les choses et, par l’association d’un signe à un signifié, de les nommer. Adam va s’avérer capable de désigner les « êtres », toutes les êtres ou étants, et pas une « entité » qui ne puisse être par lui nommé. L’Homme, « Représentant » d’Adam, est bien ainsi la seule créature à posséder le langage en sa dimension conceptuelle. Le test des Anges nous confirme cette spécificité ontologique, Dieu leur demande : « informez-Moi donc des noms de ceux-ci ». Mais les Anges, bien qu’ils soient en mesure de parler et qu’ils disposent d’une forme de pensée[9] sont en l’impossibilité de dénommer ces « êtres » qu’ils ne connaissent pas antérieurement[10] : « gloire à Toi ! Nous n’avons d’autre savoir que ce Tu nous as enseigné ». Leur compétence langagière relève donc uniquement d’apprentissages et ils ne peuvent concevoir d’eux-mêmes un signifiant pour signifier un référent non préalablement connu ou a priori abstrait.[11] Ils ne disposent pas de la capacité créatrice cognitive dite langage conceptuel, seul l’Homme possède cette extraordinaire aptitude que Dieu vient de conférer à l’Archétype Adam.

– Du point de vue linguistique donc, par l’expression « Il enseigna à Adam tous les noms », ce n’est point une langue qui est enseignée à Adam, une langue divine ou une langue adamique, mais le don du langage, c’est-à-dire la disposition technique de l’Homme à élaborer de manière dynamique et infinie toutes les langues de l’humanité, aptitude qu’Adam mettra immédiatement à l’œuvre en s’avérant capable de nommer par lui-même les « étants/hum » qui lui auront été présentés, voir infra v33. Accessoirement, nous noterons que le segment « nous n’avons d’autre savoir que ce Tu nous as enseigné » indique que les Anges appartiennent au domaine paradigmatique de la connaissance : l’acquis par transmission de savoirs, et non pas à celui de l’intelligence, c’est-à-dire l’acquisition de nouvelles données à partir de l’usage inductif de la raison critique, spécificité ontologique à l’Homme seul comme cela sera confirmé par la suite aux vs35-36.[12] Toute correspondance gardée, ce différentiel entre Ange et Homme correspond à la rupture épistémologique entre « connaissance » et « science ». [13]

– Au v33, l’on notera que ce n’est point Dieu qui informe alors Lui-même les Anges : « Ô Adam ! Informe-les de leurs noms ». Ainsi, en demandant à Adam de jouer auprès d’eux le rôle d’enseignant il leur est confirmé qu’Adam est en possession du langage le rendant apte à la connaissance de tous les « êtres/étants/hum ». Aussi, lorsqu’Adam « leur eut fait part de leurs noms », l’assertion divine : « ne vous avais-je point dit que Je connais ce qui est caché en les cieux et la Terre ? » fait-elle allusion à l’acquisition par Adam du langage conceptuel et, par voie de conséquence, à celle de son « Représentant », l’Homme. Les Anges ignoraient ce “secret” de Dieu « caché en les cieux et la Terre », tout comme ils méconnaissaient ce « Représentant » qu’ils avaient un peu trop hâtivement qualifié de « semeur de désordre », v30. Ceci va leur être rappelé en la conclusion : « Je sais ce que vous manifestez comme ce que vous dissimuliez ».[14] Selon le propos global de ce paragraphe le segment : « ce que vous manifestez » vise a priori l’opinion que les Anges viennent d’émettre : « ils dirent : Établiras-Tu qui y sème la corruption et fait couler le sang », v30. Cet avis, qui n’est toutefois pas qualifié d’erroné, est tempéré par ce que Dieu en réponse enseigne aux Anges au sujet de l’Archétype Adam : les qualités ontologiques octroyées à l’Homme en tant que son « Représentant » font que les hommes  ne sont pas condamnés à ce seul rôle négatif, ces spécificités ontologiques lui fournissent les moyens de surpasser sa condition. Ceci fait écho à ce qui avait été alludé au v30 : « Je sais parfaitement ce que point vous ne savez ! » c’est-à-dire quant au potentiel de l’Homme. Ce segment anticipait donc sur l’aveu d’impuissance des Anges : « nous n’avons d’autre savoir que ce Tu nous as enseigné », v32, qui à son tour présage de l’exposé à suivre quant aux capacités ontologiques propres à Adam et à son « Représentant » et faisant défaut aux Anges. Aussi, le segment « comme ce que vous dissimuliez » ne peut indiquer une action de dissimulation consciente ou volontaire de leur part, il est donc vraisemblable qu’il s’agisse là de leur propre ignorance quant à leur incapacité intrinsèque à ce type de langage. S’achève ainsi la mise en évidence par l’Archétype Adam de la première des trois extraordinaires aptitudes spécifiques à son « Représentant », l’Homme : le langage conceptuel.

– Enfin, à titre de démonstration complémentaire, deux courts versets doivent retenir notre attention : « [Le Tout Miséricordieux] a créé l’Homme, Il lui a enseigné la claire énonciation/al–bayân ».[15] L’on constate donc que si Dieu a conféré à Adam la fonction archétypale du langage, il s’avère malgré tout nécessaire que l’Homme en tant que Représentant de cette capacité en ait reçu de la part de Dieu la capacitation : « la claire énonciation/al–bayân ». Si, Adam avait été le premier homme, cette étape n’aurait pas eu lieu d’être et, inversement, l’existence de cette capacitation au langage pour l’Homme confirme qu’Adam n’a en la matière qu’un rôle d’archétype.

 

Conclusion

L’analyse littérale des vs31-33 du chapitre III de Sourate al baqara : la Génisse, aura montré une fois de plus que l’Exégèse islamique n’a pas exploité les données textuelles coraniques, mais a projeté sur la ligne du texte les interprétions talmudiques quant à Adam. En l’occurrence, il a été repris les anciennes légendes et spéculations sur la langue adamique comprise comme étant la langue primordiale que les premiers hommes parlèrent, ce qui n’est pas sans rapport direct avec le mythe de la tour de Babel. De la sorte, chaque religion a cherché à justifier la supériorité de la langue qu’il considérait sacré, qui l’hébreu, qui l’araméen, qui l’arabe. Effectivement, puisque ces exégèses considèrent qu’Adam est le premier homme et que les révélations de leurs prophètes sont l’hébreu, l’araméen ou l’arabe, alors Dieu en enseignant une de ces langues à Adam est Lui-même la caution de la suprématie de cette langue alors dite sacrée.

Or, à partir de la déconstruction de la mythologie adamique mise en œuvre par le contre-récit critique proposé ici par le Coran, le sens littéral de ces versets laisse apparaître une toute autre compréhension. Comme nous l’avons constaté en l’article 1– Adam et l’Homme selon le Coran et en Islam, pour le Coran Adam n’est pas le premier Homme, mais son archétype. En conséquence de quoi, lorsque Dieu « enseigna à Adam tous les noms » cela signifie qu’Adam en tant qu’archétype de l’Homme va acquérir la première spécificité qui sera ontologique à l’Homme : le langage quand Dieu « l’instituera sur Terre » en tant que  « Représentant/khalîfa » d’Adam v30.  Du point de vue linguistique, nous avons vu que l’énoncé coranique, quoi que succinct, permettait de comprendre que par acquisition du langage il ne s’agit pas d’une langue en particulier, la langue adamique, mais de l’aptitude conceptuelle propre au langage humain de pouvoir nommer toute chose, capacité propre à toutes les langues. Cette approche de la question par le Coran déconstruit donc la mythologie biblique traditionnelle au profit d’une explication rationnellement admissible. Ce faisant, le Coran balaie au passage le mythe de “la tour de Babel” dont la seule fonction était de justifier la contradiction entre le fait qu’il fut prétendu qu’Adam et ses descendants hommes parlaient tous la même et unique langue  et le constat indéniable de la diversité des langues humaines.

Dr al Ajamî

 

[1] Cf. 1– Adam et l’Homme selon le Coran et en Islam ; S2.V30.

[2] Ire  Épître aux Corinthiens, VI, 3.

[3] Le verset biblique précise qu’il s’agit de tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, tous présentés à Adam : Génèse, Chapitre II, versets 19-21. De manière plus anecdotique, l’Exégèse s’est aussi ingéniée à multiplier les hypothèses afin de savoir qui était les êtres présentés aux Anges afin d’être nommés par Adam. D’aucuns ont supposé qu’il s’agissait des hommes ou des descendants directs d’Adam, voire des Anges eux-mêmes ou de la famille du Prophète, etc.

[4] S2.V31-33 :

وَعَلَّمَ آَدَمَ الْأَسْمَاءَ كُلَّهَا ثُمَّ عَرَضَهُمْ عَلَى الْمَلَائِكَةِ فَقَالَ أَنْبِئُونِي بِأَسْمَاءِ هَؤُلَاءِ إِنْ كُنْتُمْ صَادِقِينَ (31) قَالُوا سُبْحَانَكَ لَا عِلْمَ لَنَا إِلَّا مَا عَلَّمْتَنَا إِنَّكَ أَنْتَ الْعَلِيمُ الْحَكِيمُ (32) قَالَ يَا آَدَمُ أَنْبِئْهُمْ بِأَسْمَائِهِمْ فَلَمَّا أَنْبَأَهُمْ بِأَسْمَائِهِمْ قَالَ أَلَمْ أَقُلْ لَكُمْ إِنِّي أَعْلَمُ غَيْبَ السَّمَاوَاتِ وَالْأَرْضِ وَأَعْلَمُ مَا تُبْدُونَ وَمَا كُنْتُمْ تَكْتُمُونَ

[5] Dans le Coran Adam est toujours employé sans article. En le nom âdam, l’allongement du alif initial et le statut de diptote indiquent que âdam est vraisemblablement l’arabisation de l’hébreu adam, nom lui-même d’étymologie incertaine. L’on a toutefois voulu arabiser le nom Adam en le rattachant à la racine verbale adama d’où dérive le qualificatif adîm à qui l’on donna le sens de terre, affirmation sans fondement étymologique, mais dictée par des spéculations kabbalistiques bien connues.

[6] Dans la Bible il y a confusion entre Adam et l’Homme, ces deux appellations semblent interchangeables. Ceci est textuellement possible du fait que le texte hébreu utilise soit le mot adam, אדמ, sans l’article et qu’ainsi il signifie être humain, homme, personne, quelqu’un, soit le syntagme ha-adam, חאדמ, c’est-à-dire « l’adam », forme qui apparaît alors comme déterminée par l’article et qui est souvent rendu et de manière irrégulière dans les commentaires midrashique et les traductions par : la personne ou l’homme.

[7] En l’occurrence, le Coran déconstruit encore une fois l’anthropocentrisme manifeste du récit biblique, Il s’agit là du contre-récit critique des versets 19-21 du chapitre II de la Génèse, ce n’est plus Adam-l’Homme qui nomme les objets de son entourage immédiat, voire domestique, mais Dieu qui lui enseigne « tous les noms ». Cf. : Exégèse à suivre.

[8] Nous préciserons ici qu’un archétype n’est pas un prototype, Adam n’est pas un « prototype » de l’Homme ou de l’espèce humaine.

[9] Cette affirmation est littérale et découle de l’échange du v30.

[10] La trame du récit laisse supposer implicitement que ces « êtres » ne leur sont pas connus

[11] Sans concordisme aucun et uniquement pour éclairer notre propos, il est clairement démontré que plusieurs espèces animales peuvent par dressage apprendre un certain nombre d’éléments d’une langue humaine [des “noms”] et faire correspondre à un objet donné un signifiant déterminé, mais aucun ne peut acquérir le langage des hommes, c’est-à-dire la capacité conceptuelle sémantique commune à toutes les langues humaines de créer à volonté ses propres signes pour qualifier une infinité de signifiés concrets ou abstraits.

[12] Voir : 3– Adam et Elle/Ève, Iblîs et le Shaytân : raison et conscience selon le Coran et en Islam ; S2.V34-36.

[13] Il est donc incorrect de mettre cette phrase coranique en la bouche des hommes : « nous n’avons d’autre savoir que ce Tu nous as enseigné » comme il est de pratique courante chez les musulmans, car c’est réduire la raison humaine au seul apprentissage du savoir. Signalons que l’arabe ne connaît qu’un seul terme pour qualifier la connaissance et la science : ‘ilm. Cette indistinction témoigne du non-acquis historique de la rupture épistémologique entre connaissance et science en même temps qu’elle l’entretient. Le propos des exégètes, comme celui des musulmans, confond sans cesse ce qui relève de la connaissance et ce qui appartient à la science.

[14] De nombreux avis ont été émis sur ces deux verbes sans complément, mais il convient d’observer que le premier, le verbe abdâ, laisser apparaître, manifester est au présent [tubdûna] il concerne donc directement ce qui vient d’être dit par les Anges dans le contexte, alors que le verbe katama, cacher, dissimuler est à l’imparfait [kuntum taktumûna] et est alors relatif à un ou des points antérieurs.

[15] S55.V3-4 : « خَلَقَ الْإِنْسَانَ (3) عَلَّمَهُ الْبَيَانَ »