En l’article intitulé la première révélation du Coran selon l’Islam nous avons montré que l’unique hadîth sur lequel repose le mythe fondateur des débuts de la révélation faite à Muhammad n’était pas recevable en l’état. Cela ne signifie bien évidemment pas que nous ayons remis en cause le bien-fondé de l’avènement de la Révélation et la fonction de messager du Prophète Muhammad, mais qu’il y a de sérieuses raisons pour supposer que cet évènement se soit déroulé autrement que ce nous croyons et imaginons tous. Puisqu’en l’occurrence la Tradition basée sur le hadîth et la Sîra à leur suite ne sont pas fiables, il est logique de réexaminer ce que le Coran en autoréférentiel énonce lui-même quant à ce point essentiel. D’une part, il est présentement nécessaire d’analyser les cinq premiers versets réputés avoir été les premiers révélés et, conséquemment, la sourate S96 : Le Lien/al–‘alaq. D’autre part, à partir du constat littéral qui en découle, nous découvrirons que le Coran fournit des informations différentes quant à sa prime révélation, voir : Le début de la révélation du Coran selon le Coran ; S53.V1-18.
• Que dit le Coran
– S96.V1-5. Pour mémoire, nous en rappellerons la traduction standard : « Lis/iqra’, au nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l’homme d’une adhérence/‘alaq. Lis/iqra’ ! Ton Seigneur est le Très Noble, qui a enseigné par la plume, a enseigné à l’homme ce qu’il ne savait pas. »
Lorsque le hadîth de az-Zuhrî[1] est devenu une référence en la matière, ces cinq premiers versets ont été considérés comme formant une unité indépendante en cette sourate 96 qui comporte dix-neuf versets, laquelle serait alors composée de deux parties sans aucun rapport de sens. Nous avons fait remarquer qu’il était difficile d’admettre que si ces versets avaient effectivement traité de la première révélation ils n’aient pas formé une unité cohérente sous la forme d’une seule brève sourate, comme de règle en ces débuts de la révélation du Coran. Tout se passe donc comme si la deuxième partie serait anachronique puisque la manifestation publique de la prière est nécessairement postérieure aux débuts de la révélation reçue par Muhammad. Quoi qu’il en soit, c’est par effet herméneutique induit par la validation dudit hadîth que l’interprétation de ces cinq versets censés traiter de la première révélation faite à Muhammad a eu pour conséquence que la suite du propos de cette sourate ne pouvait plus être comprise que comme relative à un autre évènement. En l’occurrence, l’on a mis en scène Abû Jahl qui souhaitait empêcher le Prophète de prier, traduisant en cela physiquement les vs9-10 : « As-tu vu celui qui interdit à un serviteur d’Allah (Muhammad) de célébrer la Ṣalat ? »[2] Ce faisant, l’on a particularisé, personnifié, ce qui nous allons le voir relève du cas général. Cette caractérisation a réduit la philosophie globale du propos coranique à une simple anecdote puisqu’en ces mêmes hadîths Abû Jahl, lorsqu’il menace le Prophète en prière, voit des Anges se dresser pour le défendre, là aussi donc illustration d’Épinal improbable des vs17-18 : « Qu’il appelle donc son assemblée, Nous appellerons les gardiens ».
– Ceci étant précisé, le changement de paradigme généré par notre déconstruction critique des fondements mythologiques de “la première révélation” permet d’emblée de constater que rien n’indique textuellement en ces cinq versets qu’ils initient la révélation du Coran. Autrement dit, à les entendre sans passer par la grille de lecture imposée à nos esprits par l’Islam, l’on note que le propos objectif de ces versets aurait pu être révélé à bien d’autres moments de la longue histoire de la révélation progressive du Coran. Du reste, ce propos est par exemple très proche de celui tenu dans les trois premiers versets de S55, sourate Le Tout-Miséricordieux/ar–raḥmân, sourate chronologiquement donnée par la tradition comme étant médinoise et 97e dans l’ordre de révélation. De même, nombreuses sont les sourates qui commencent par quelques versets évoquant la révélation du Coran, ex. : S44.
– Dans un premier temps, l’analyse lexicale portera son attention sur deux termes : l’impératif iqra’ et le substantif ‘alaq. Le terme-clef iqra’ est la forme à l’impératif de la racine arabe qara’a laquelle signifie en premier lieu rassembler ce qui est épars. Par extension, ce terme prendra le sens de réciter, c’est-à-dire rassembler des éléments épars en son esprit. C’est à partir de ce sens que le substantif al-qur’ân/le Coran désigne la Récitation par excellence, cette dénomination traduit parfaitement l’oralité première de sa révélation. Par suite, en une culture arabe essentiellement orale, le verbe qara’a en vient à signifier lire. Lire suppose un écrit support, or nous savons que l’ancienne écriture de l’arabe était défectueuse[3] et ne permettait de déchiffrer un écrit que si l’on en connaissait auparavant le contenu, en ces conditions lire était une action proche de réciter, c’est-à-dire connaître par avance le texte de mémoire. De fait, ce sens de qara’a est antérieur au Coran puisqu’on le retrouve indéniablement en deux versets : « lis/iqra’ ton livre », S17.V14 et S69.V19. Cependant, en tout état de cause, l’on admettra que notre sourate 96 appartient aux premières révélations du Coran et qu’il est quasiment certain que le Coran en cette période n’était pas mis par écrit. Aussi, le sens de l’impératif iqra’ ne peut en aucun cas signifier « lis ». Si les traductions actuelles en font malgré tout état c’est qu’elles sont directement sous influence d’une néo-apologétique voulant faire de ces supposés premiers mots du Coran une éloge de la science expliquant l’apogée de l’Islam en son temps et la nécessité pour les musulmans de se consacrer à nouveau à ladite science. Pour les anciens, comprendre iqra’a comme signifiant « lis » posa problème puisque la révélation était à juste titre reconnue par eux comme un phénomène de transmission sans support matériel. Ceci explique que certains auteurs aient imaginé que Gabriel montra à Muhammad une étoffe sur laquelle étaient gravés ces premiers mots.[4] Aussi, si l’on écarte ces images de nos esprits ainsi que les autres significations empruntées à l’hébreu qara’ : proclame, appelle, prêche, que l’islamologie se plait à mettre en jeu,[5] le seul sens possible pour l’impératif iqra’ est « récite », c’est-à-dire, nous le verrons, non pas « récite » ce qui vient de t’être révélé, mais « récite » aux hommes ce qu’il t’est révélé du Coran/al–qur’ân/la Récitation.
Le mot ‘alaq dérive de la racine ‘alaqa dont une des lignes de sens signifie être suspendu, accroché, mais aussi agglutiner, coaguler de là ‘alaq évoque quelque chose de suspendu, une adhérence, un caillot de sang, une sangsue. Comme au v2 ce terme est en rapport avec la création de l’Homme, les premiers exégètes ont établi un rapprochement avec des versets traitant de ce sujet et contenant le féminin ‘alaqah, ex : « Ensuite, Nous avons créé de la goutte une adhérence/’alaqah puis Nous avons créé de l’adhérence une mâchure de chair/muḍgha… »[6] Cependant, ce rapport de sens est très approximatif et ne peut être validé pour au moins trois raisons : -1 Le v2 n’emploie pas le féminin ‘alaqah mais le masculin ‘alaq, termes dont les champs lexicaux diffèrent en partie, et ‘alaq n’est en fait utilisé qu’en notre verset. -2 Les versets impliqués[7] ne disent absolument pas que l’Homme a été créé à partir d’un ‘alaq, mais présente toujours le “stade” ‘alaq comme une étape intermédiaire.[8] -3 Ces versets sont tous largement postérieurs à S96 ce qui implique que les premiers allocutaires ne pouvaient pas établir ce rapport de sens prétendument « embryologique ». Aussi, comprendre et traduire le v2 par « qui a créé l’homme d’une adhérence/‘alaq » ne représente qu’une interprétation basée sur une approximation tant lexicale que scientifique[9] et exégétique.
Ceci étant précisé, par ce choix exégétique particulier l’Exégèse a écarté une autre ligne principale de sens de la racine ‘alaqa valant pour : s’attacher à quelqu’un, par amour ou amitié, être ainsi lié. De là ‘alaq signifie donc au figuré : attachement, affection, lien, d’où notre « a créé l’Homme de par un Lien/’alaq ». Comme nous allons le constater, cette signification qui n’a rien d’embryologique, se justifie aisément de ce que par l’initiation du Pacte primordial le Coran institue un Lien/’alaq entre la création de l’Homme et l’institution de la Foi qui lui est alors ontologique,[10] d’où notre majuscule à « Lien ».
– L’analyse contextuelle de cette sourate, contrairement à la tradition exégétique, indique qu’elle n’aborde qu’un seul sujet et n’est constituée que d’une seule séquence évoquant le lien de Dieu à l’Homme et le comportement de ce dernier envers son Créateur quant à ce lien. De manière générale, Dieu « enseigne par le Calame/al–qalam », v4, « Calame » étant ici une métonymie désignant la Révélation,[11] car elle est ce par quoi Dieu « enseigne à l’Homme ce qu’il ne connaît point » : les données qui lui sont autrement imperceptibles, v5. Lorsque Dieu suscite un Messager, ici Muhammad, celui-ci à pour mission de transmettre aux hommes le Message de Dieu : « Récite/iqra’ au nom de ton Seigneur ! », v1. Or, la Révélation est présentement mise en rapport avec le fait que Dieu est le Créateur de l’Homme : « Récite/iqra’ au nom de ton Seigneur, Lui qui a créé, a créé l’Homme », v1-2. Si la créature de Dieu est conséquemment indépendante de son Créateur, pour autant Il ne l’abandonne pas et, régulièrement, se manifeste à elle : « Récite ! Car ton Seigneur est le Très-Généreux », v3. Le Message ainsi transmis a pour fonction première de rappeler à l’Homme l’existence de son « Seigneur », existence seigneuriale dont il est dit qu’elle est ontologiquement liée à la création de l’Homme : Dieu « a créé l’Homme de par un Lien/‘alaq », v2. Ce « Lien/‘alaq » au Créateur en tant que « Seigneur » est représenté par la Foi ontologique, cette connaissance innée de l’existence seigneuriale de Dieu, notion théologique essentielle que nous avons par ailleurs explicitée.[12]
La preuve que ce « « Lien/‘alaq » traduit bien le concept de Foi ontologique à l’Homme est fournie par le fait qu’il est immédiatement évoqué son antithèse : le kufr ou déni de Foi[13] : « Mais non ! Certes l’homme se rebelle/yatghâ[14] quand il se pense suffisant », vs6-7. S’estimant n’être point redevable d’un quelconque « Seigneur », cet « homme »[15] se rebelle contre ce qui lui est révélé et cette prise de position le mène au kufr/le déni de foi ontologique comme l’indique en un autre contexte le segment suivant : « Mais ce qui t’est révélé de la part de ton Seigneur n’ajoutera pour nombre d’entre eux que rébellion/ṭughyân et déni de Foi/kufr ».[16] Il est donc rappelé à ceux-là que « en vérité vers ton Seigneur est le Retour ! », v8, et ils n’échapperont donc pas à leur devenir final. Puis, est citée une catégorie particulière d’entre eux : les opposants à la principale manifestation de la foi personnelle, la prière : « penses-tu que celui qui s’oppose à ce qu’un adorateur prie, penses-tu qu’il suive la Guidée ou incite ainsi à la crainte pieuse ! », vs9-12. Contextuellement, la « Guidée » représente ici tout autant l’influence universelle de la Foi ontologique que celle plus particularisée due aux révélations, voir S2.V38. Notons que le recours au tutoiement est en arabe un procédé rhétorique quasi constant, l’on s’adresse à un individu fictif pour parler d’une situation générale. Cette situation d’énonciation se vérifie présentement puisque la formulation « celui qui s’oppose à ce qu’un adorateur prie » est indéterminée et ne permet pas d’affirmer qu’il s’agit là en particulier de Muhammad. De fait, la traduction standard, validant que le dénommé Abû Jahl aurait empêché le Prophète de prier publiquement, est dans l’obligation de modifier l’énoncé pour parvenir à mettre en scène ce récit personnifié : « as-tu vu celui qui interdit à un serviteur d’Allah (Muhammad) de célébrer la Salât ».[17] Selon l’analyse, ce comportement est alors expliqué par la fausseté intérieure de celui qui dénie la Foi et se refuse à la foi personnelle : « ne penses-tu pas qu’il nie et se détourne ! », v13. L’homme est libre de refuser de croire, mais son déni de Dieu l’amène à oublier que rien n’échappe à Dieu : « ne sait-il pas que Dieu le voit ! »,[18] v14. Cette mise en garde s’accentue et se projette aux conséquences du Jour du Jugement : « bien au contraire ! S’il ne cesse point, Nous le saisirons par le toupet, toupet mensonger, faux ! », vs15-16. Toujours en ce Jour-là,[19] et non pas ici-bas,[20] il est rappelé à ceux-là qu’ils seront seuls ce Jour et qu’il sera vain pour eux de convoquer leurs supposés alliés dans le déni de Dieu : « qu’il appelle donc son assemblée, Nous convoquerons la Garde ». La notion d’assemblée, de groupe, est soulignée, car chacun, tout comme pour valider sa foi personnelle, se doit de se démarquer du collectif dès lors que celui-ci s’oppose à la piété individuelle : « Non, assurément ! Ne lui obéis pas et prosterne-toi, rapproche-toi », conditions de pratique spirituelle sine qua non pour espérer la proximité en Dieu. Encore une fois, même si cette pieuse incitation semble en apparence être adressée à Muhammad elle est du point de vue rhétorique de portée générale.
Au final, l’analyse littérale montre clairement que cette sourate est composée d’une seule partie et non pas de deux comme l’imposait le fait de valider que les cinq premiers versets auraient représenté la première révélation. Cette sourate présente en réalité une unité thématique certaine dont voici le sens littéral : « Récite [ce qui t’est révélé] au nom de ton Seigneur, Lui qui a créé, [1] a créé l’Homme de par un Lien [le lien entre l’Homme et son Seigneur institué par le Pacte primordial] ! [2] Récite ! Car ton Seigneur est le Très-Généreux [du fait même qu’il fait révélation aux hommes à titre de rappel], [3] Lui qui enseigne par le Calame [les révélations], [4] enseigne à l’Homme ce qu’il ne connaît point [c’est-à-dire les données de l’Inapparent/al-ghayb quant à son devenir]. [5] Mais non ! Certes l’homme se rebelle [contre l’innéité de sa Foi ontologique et la dénie] [6] quand il se pense suffisant [du fait qu’il est libre et autonome] [7], mais en vérité vers ton Seigneur est le Retour ! [et l’Homme dans sa suffisance l’oublie] [8]. Penses-tu que celui qui s’oppose [par rejet de la foi personnelle des croyants] [9] à ce qu’un adorateur prie [c’est-à-dire à ce qu’un croyant exprime ainsi sa foi personnelle], [10] penses-tu qu’il suive la Guidée [guidée universelle de la Foi ontologique et guidée particularisée des révélations] [11] ou incite ainsi à la crainte pieuse [de Dieu inspirée par la prière ]?! [12] Ne penses-tu pas qu’il nie [en lui-même la Foi ontologique] et se détourne [de sa présence innée] ! [13] Ne sait-il pas que Dieu le voit [et que ce qu’il dissimule en lui-même Dieu le sait] ! [14] Bien au contraire ! S’il ne cesse point, Nous le saisirons par le toupet [au Jour du Jugement], [15] toupet mensonger, faux [comme ce à quoi il prétendait] ! [16] Qu’il appelle donc son assemblée [ceux comme lui], [17] Nous convoquerons la Garde [sans doute les gardiens de l’Enfer][21] [18]! Non, assurément ! Ne lui obéis pas [en déniant ta foi personnelle] et prosterne-toi, rapproche-toi [car la prière est un moyen permettant la purification de l’âme pour la proximité en Dieu ]. [19] »
Conclusion
L’analyse littérale de S96 dite al–‘alaq/Le Lien aura clairement montré que cette sourate était composée d’une seule partie traitant d’un unique sujet : la Révélation adressée à l’Homme par l’intermédiaire des prophètes-messagers a pour fonction bénéfique de lui rappeler qu’il est lié à Dieu par le Pacte primordial de la Foi ontologique, « Lien/‘alaq» non contraignant lui donnant la possibilité soit de la dénier, soit de la reconnaître et l’accepter, il fait alors acte de foi personnelle : il est croyant. Ceci aura confirmé a posteriori que l’on ne pouvait pas accepter le hadîth de az–Zuhrî[22] qui avait pour conséquence directe d’isoler temporellement et thématiquement les cinq premiers versets et d’entraîner une interprétation erronée de cette sourate.
Une fois ce constat littéral établi, il nous devient possible d’examiner si le Coran a fait allusion à l’évènement de sa prime révélation, ce à quoi est consacré le troisième volet de notre étude : Le début de la révélation du Coran selon le Coran.
Dr al Ajamî
[1] Il s’agit du fameux hadîth décrivant l’entrevue de Muhammad et Gabriel en la grotte de Ḥirâ’, voir : La première révélation du Coran selon l’Islam ?
[2] Signalons ici que la traduction standard a cru bon d’introduire dans le texte du v10 le segment ici non en gras : « à un serviteur d’Allah (Muhammad) de célébrer la Ṣalat » afin de majorer la perception d’un cas particulier impliquant le Prophète tel que voulu par l’Exégèse avec force hadîths. Voir plus loin à l’analyse de ce verset.
[3] Voir : Variantes de récitation ou qirâ’ât.
[4] Outre le fait que ces récits n’ont pas de solidité transmissionnelle, ils sont parfaitement anachroniques puisque, nous l’avons signalé, l’écriture arabe ne permettait pas déchiffrer un texte dont on ne connaissait pas le contenu par avance, donc acte. Sur ce point voir : Variantes de récitation ou qirâ’ât et aussi notre analyse crique du hadîth fondateur : La première révélation du Coran selon l’Islam ?
[5] Confer les sources intertextuelles hébraïques du hadîth référent : La première révélation du Coran selon l’Islam ?
[6] S23.V14. La traduction que nous proposons n’est pas nôtre, mais a pour but d’exprimer la compréhension moyenne de ce verset.
[7] S22.V5 ; S23.V14 ; S40.V67 ; S75.V38.
[8] Il est donc faux en ce v2 de dire que l’Homme est créé à partir d’un ‘alaq, car ainsi formulé sans aucun autre stade mentionné, à la différence de tous les autres versets en question, cela signifie soit qu’il s’agit du premier stade de formation, ce qui est faux, soit que cela désigne l’ensemble du processus, ce qui est tout aussi incorrect .
[9] Du point de vue embryologique, les affirmations des néo-apôtres de l’i’jâz, le miracle scientifique du Coran, sont aussi approximatives qu’erronées. En effet, le stade dit ‘alaq, caillot de sang, adhérence ou chose accrochée, n’existe pas en embryologie, car la morula ne se suspend pas ou ne s’accroche pas au placenta, mais s’y introduit, elle y nide, d’où l’appellation de stade de la nidation. Ce que le Coran décrit en les quatre versets ci-dessus cités ne correspond pas à une démarche embryologique scientifique, mais rappelle aux Arabes ce qu’en tant que peuple d’éleveurs ils avaient tous pu observer dans les utérus des bêtes qu’ils abattaient. Selon S23.V14 , par exemple, l’on distingue dans un premier temps une petite masse en saillie sur la paroi de l’utérus semblant comme accrochée/al–‘alaq. Puis, à un stade plus avancé, ils pouvaient observer une masse plus grosse, mais informe/al–muḍgha, puis, plus avant, l’on peut discerner en cette masse des os/al–‘iẓâm et, enfin, un être de chair reconnaissable/laḥm, cf. En tous ces versets, le but visé n’est en rien scientifique, mais théologique, il rappelle à l’Homme qu’après avoir été peu de chose amenée à la vie, il mourra et sera ressuscité pour être jugé, S23.V15-16.
[10] Sur ces deux notions, voir : S7.V172.
[11] Au singulier le mot qalam/calame n’est qu’employé dans le Coran qu’à une seule autre reprise, S68.V1, sourate dont les premiers versets sont indéniablement en rapport avec la Révélation et son rejet initial par Quraysh. C’est du reste cette parenté de propos avec S96 qui a amené de nombreux commentateurs à supposer, à tort, que cette sourate 68, ou du moins ses premiers versets, auraient été révélés chronologiquement juste après S96.
[12] Voir : Foi et non-foi, îmân et kufr selon le Coran et en Islam.
[13] Sur cette notion, voir idem.
[14] Le verbe ṭaghâ évoque en sa globalité le fait de sortir des limites, déborder de l’état naturel, d’où l’idée de rébellion contre l’innéité de la Foi.
[15] L’absence de majuscule signale que « l’homme » n’est pas là l’Homme au sens général, ce n’est pas pour autant un individu en particulier (l’Exégèse a supposé ici Abû Jahl !), mais le représentant d’une certaine catégorie d’êtres.
[16] S5.V64.
[17] De plus, traduire ici la locution a-ra’ayta par « as-tu vu » renforce la perception d’un fait réel observé et vécu par le Prophète. Néanmoins, le sens premier de cette locution est indiscutablement : « penses-tu que » ou « ne sais-tu pas que ».
[18] Le texte arabe porte « Dieu voit », ceci pour des raisons apparentes de rime, mais le sens est de toute évidence « Dieu le voit ».
[19] Ceci se déduit directement de S55.V41.
[20] Comme le mettent pourtant en scène plusieurs circonstances de révélation. Sur la non fiabilité de ces processus exégétiques surinterprétatifs dits asbâb an–nuzûl, voir : Circonstances de révélation ou révélations de circonstance ?
[21] Cf. S74.V30-31 et S66.V6.